Migraine de l'adulte et de l'enfant

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Diagnostic

Quelles questions poser au patient suspect de migraine ?

A. Au moins 5 crises répondant aux critères B à D. B. Crises de céphalées durant de 4 à 72 heures (sans traitement). C. Céphalées ayant au moins 2 des caractéristiques suivantes :

- unilatérale ;

- pulsatile ;

- modérée ou sévère ;

- aggravation par les activités physiques de routine, telles que montée ou descente d’escaliers.

D. Durant les céphalées au moins l’un des caractères suivants :

- nausée et/ou vomissement ;

- photophobie et phonophobie.

E. L’examen clinique doit être normal entre les crises. En cas de doute, un désordre organique doit être éliminé par les investigations complémentaires appropriées.

  • Le terme de migraine sans aura a remplacé celui de migraine commune.

Si les 5 critères A, B, C, D, E sont présents, il s’agit d’une migraine sans aura au sens strict du terme (code 1.1 de la classification IHS).

Si l’un des critères A, B, C ou D n’est pas rempli en totalité, il s’agit d’une migraine sans aura probable (code 1.7 de la classification IHS).

Le diagnostic repose sur la clinique en utilisant les critères de l'IHS

Critères de la migraine avec aura* (adaptés d’après les critères IHS).

A. Au moins 2 crises répondant au critère B.

B. Au moins 3 des 4 caractéristiques suivantes :

- un ou plusieurs symptômes de l’aura totalement réversibles ;

- le symptôme de l’aura se développe progressivement sur plus de 4 minutes et si plusieurs symptômes sont associés, ils surviennent successivement ;

- la durée de chaque symptôme n’excède pas 60 minutes ;

- la céphalée fait suite à l’aura après un intervalle libre maximum de 60 minutes, mais parfois commence avant ou pendant l’aura.

C. L’examen clinique doit être normal entre les crises. En cas de doute, un désordre organique doit être éliminé par les investigations complémentaires appropriées.

  • Le terme de migraine avec aura a remplacé ceux de migraine classique ou migraine accompagnée.

Il existe 4 types d’auras : visuelles (les plus fréquentes, 99 % des auras, anciennement dénommées migraines ophtalmiques), sensitives, aphasiques et motrices. Si les 3 critères A, B et C sont présents, il s’agit d’une migraine avec aura typique (code 1.2.1 de la classification IHS).

Faut-il programmer des examens complémentaires chez le patient migraineux ?

Chez un migraineux connu, il est recommandé de pratiquer un scanner ou une IRM cérébrale devant (accord professionnel) :

• une céphalée d’apparition brutale (céphalée dite « en coup de tonnerre ») ;

• une céphalée récente se différenciant de la céphalée habituelle ;

• une anomalie à l’examen clinique.

Devant une céphalée aiguë sévère s’installant en moins d’une minute, prolongée durant plus d’une heure et jugée intense, il est recommandé de pratiquer, en urgence, un scanner sans injection ou une IRM cérébrale.


Existe-t-il une comorbidité anxio-dépressive?

au cours du dernier mois,

- avez vous ressenti un désintérêt ou une absence de plaisir à accomplir les choses de la vie (anhédonie)?

- vous êtes vous senti abattu, déprimé ou désespéré?

Le test à deux questions, PRIME-MD, a été proposé par Whooley 2. L’étude de validation a été menée auprès de 590 patients consécutifs, à qui deux questions étaient posées: au cours du dernier mois,

- avez vous ressenti un désintérêt ou une absence de plaisir à accomplir les choses de la vie (anhédonie)?

- vous êtes vous senti abattu, déprimé ou désespéré?

Le diagnostic de dépression, posé chez 97 patients (18%) sur la base d’un questionnaire validé a été confronté au PRIME MD. La sensibilité du PRIME MD était de 96% (très peu de faux négatifs). Mais la spécificité était médiocre à 57%; près de la moitié des patients avec test positif n’avaient pas de dépression. Il s’agit donc d’un sim-ple test de dépistage, nécessitant un bilan complé mentaire en cas de positivité. Un test complémentaire à quatre questions (T 4) a été proposé et évalué par Brody 3 chez 1000 patients de médecine générale. Les patients étaient interrogés sur les 4 symptômes suivants: trouble du sommeil, anhédonie, baisse de l’estime de soi, modifications de l’appétit.

Parallèlement ils avaient été questionnés à partir du PRI- ME MD et du questionnaire DSM IV à 9 questions. D’autres éléments d’appréciation étaient notés: symptômes soma- tiques, arrêts de travail, événement traumatisant, consul- tations médicales, difficultés de relations médecin-mal- ade, idées suicidaires. 325 patients étaient positifs au PRIME MD, parmi ceux-ci 165 (51%) avaient 2 ou plus réponses positives au T 4, et 115 avaient les critères DSM IV de dépression majeure. Seuls 3 de ces 115 n’avaient pas été retenus par le T 4, mais il s’agissait de dépressions modérées. La sensibilité était donc très bonne, à 97%. Parmi les 165, 53 n’ont pas été confirmés par le DSM IV. Mais l’analyse des symptômes associés montre que ces patients doivent être suivis, particulièrement s’ils ont 3 ou 4 critères positifs.

L’existence d’une association entre épisode dépressif majeur, troubles anxieux et migraine renforce le handicap du sujet migraineux. Il est recommandé de rechercher, à l’interrogatoire, un syndrome dépressif ou anxieux, de prendre en compte, sur le plan thérapeutique, non seulement la douleur migraineuse mais aussi les troubles dépressifs et anxieux associés.

2- Whooley MA et al Case-finding instruments for depression. Two questions are as good as many. J Gen Intern Med. 1997;12:439-445 3 - Brody DS et al. Identifying patients with depression in the primary care setting. Arch Int Med. 1998;7(21):2469-2475

N'est-ce pas une céphalée de tension?

La migraine doit être distinguée de la céphalée de tension, céphalée plus diffuse, non pulsatile, non aggravée par l’effort, moins intense, sans signes digestifs, parfois accompagnée de phonophobie ou de photophobie. Migraine et céphalées de tension sont souvent associées ou intriquées chez les mêmes patients.


Quelles sont les particularités de la migraine chez l'enfant ?"

La migraine de l’enfant se distingue de celle de l’adulte par :

• des crises plus courtes (2 à 48 heures chez l’enfant de moins de 15 ans pour l’IHS) ;

• une localisation bilatérale plus fréquente ;

• des troubles digestifs souvent au premier plan ;

• une pâleur inaugurale fréquente.

Comme chez l’adulte, pour ne pas priver certains enfants d’une prise en charge adaptée, il est recommandé d’utiliser le code 1.7 de la classification IHS « Migraine sans aura probable, remplissant l’ensemble des critères diagnostiques à l’exception d’un seul ». En effet, les critères IHS pour le diagnostic de migraine sans aura ont une sensibilité encore plus faible chez l’enfant que chez l’adulte. Il est recommandé de tenir un agenda des crises afin d’aider l’enfant et sa famille à identifier les facteurs déclenchants, à évaluer l’efficacité des traitements et de permettre au médecin d’apprécier la sévérité de la migraine (fréquence, intensité des crises, signes digestifs associés) et son retentissement sur la vie quotidienne (absentéisme scolaire).

Les molécules suivantes sont recommandées chez l’enfant et l’adolescent (accord professionnel) :

• en première intention : l’ibuprofène chez l’enfant de plus de 6 mois ;

• puis :

   - le diclofénac chez l’enfant dont le poids est supérieur à 16 kg, 
   - le naproxène chez l’enfant de plus de 6 ans ou dont le poids est supérieur à 25 kg, 
   - l’aspirine en monothérapie ou en association au métoclopramide, 
   - le paracétamol en monothérapie ou en association au métoclopramide, 
   - le tartrate d’ergotamine chez l’enfant de plus de 10 ans. 

Dans le traitement de la crise de migraine modérée à sévère, chez l’adolescent de 12 à 17 ans le sumatriptan spray nasal (10 à 20 mg) est efficace (grade A).

Les données de la littérature ne sont pas suffisantes pour conclure à l’efficacité :

• du sumatriptan par voie orale et injectable chez l’enfant et l’adolescent ;

• du sumatriptan spray nasal chez l’enfant de 5 à 12 ans.

Traitement non médicamenteux

La relaxation, le rétrocontrôle (biofeedback) et les thérapies cognitives et comportementales de gestion du stress peuvent être recommandés (grade B). Ces traitements sont plus efficaces que les bêta-bloquants (grade B).

III.6.2. Traitement médicamenteux Il est recommandé de faire appel au traitement médicamenteux de fond après échec des traitements non pharmacologiques (accord professionnel).

En l’absence de preuve scientifiquement établie, les molécules suivantes peuvent être recommandées, en cas d’échec des traitements non médicamenteux ou de crises migraineuses particulièrement fréquentes et sévères (accord professionnel) :

• la flunarizine chez l’enfant de plus de 10 ans, 5 mg/jour ;

• la dihydroergotamine, 5 à 10 mg/jour ;

• le pizotifène chez l’enfant de plus de 12 ans, 1 mg/jour ;

• le propranolol, 2 à 4 mg/kg/jour ;

• le métoprolol, 25 à 50 mg/jour ;

• l’oxétorone, 15 à 30 mg/jour ;

• l’amitryptiline, 3 à 10 mg/jour.

Il est recommandé d’utiliser ces molécules à faibles doses, afin de limiter les effets indésirables, à type de sédation notamment.


Un calendrier de crise a t-il été utilisé ?

Afin d’optimiser la prise en charge du patient migraineux, il est recommandé (accord professionnel) de lui conseiller de tenir un agenda des crises (modèle joint en annexe pour les 6 premiers mois de l’année) précisant la date de survenue, la durée et l’intensité de la douleur, les facteurs déclenchants et les médicaments utilisés à chaque crise migraineuse (sur prescription ou non). Cet outil devrait permettre aux médecins de mieux percevoir la sévérité de la migraine, de tenir compte du retentissement de la maladie sur la vie quotidienne, de guider éventuellement le choix thérapeutique et les modalités du suivi.


Traitement

Quels sont les traitements de la crise ?

Fichier:Traitements crise AMM.png
Seules les molécules citées dans le tableau 1 disposent d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement de la crise de migraine.

Traitement de la crise Efficacité des différentes molécules:

En matière de traitements de la crise migraineuse on distingue :

• les traitements non spécifiques (antalgiques et anti- inflammatoires non stéroïdiens) ;

• les traitements spécifiques (triptans et dérivés ergotés), qui, par action sur les récepteurs 5 HT1B/D, inhibent l’inflammation neurogène et la vasodilatation supposées être à l’origine de la céphalée migraineuse.

Les molécules suivantes sont recommandées :

1/ Traitements non spécifiques

• les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) suivants : le naproxène, l’ibuprofène, le kétoprofène et le diclofénac (grade A) ;

• l’aspirine en monothérapie (grade A), en association avec le métoclopramide (grade A) ; • le paracétamol en monothérapie (grade C).

L’association du métoclopramide à l’aspirine améliore les troubles digestifs, mais ne potentialise pas l’effet antalgique de l’aspirine (accord professionnel).

L’association de la caféine au paracétamol et à l’aspirine n’a pas fait la preuve clinique d’une potentialisation d’effet et ne peut pas être recommandée, d’autant qu’il n’est pas exclu que la caféine induise un abus médicamenteux, voire un comportement addictif (accord professionnel).

Il est recommandé d’éviter les opioïdes (codéine, dextropropoxyphène, tramadol, morphine et autres opioïdes forts), seuls ou en association, qui peuvent aboutir à un abus médicamenteux, voire à un comportement addictif (accord professionnel).

2/ Traitements spécifiques

• les triptans (grade A). L’efficacité porte sur la céphalée mais aussi sur les symptômes associés digestifs et la phono/photophobie (grade A) ;

• le tartrate d’ergotamine (grade B) ;

• la dihydroergotamine par voie per-nasale (grade A) ou injectable (grade B).


Quels sont les traitements de fond recommandés ?

Les molécules suivantes disposant d’une AMM dans le traitement de fond de la migraine sont efficaces :

• dihydroergotamine (grade B)

• flunarizine (grade A)

• indoramine (grade B)

• méthysergide (grade A)

• métoprolol (grade A)

• oxétorone (grade A)

• pizotifène (grade A)

• propranolol (grade A)

L’amitriptyline disposant d’une AMM dans l’indication « algies rebelles » est efficace (grade A).

Les molécules suivantes disposant d’une AMM dans une autre indication que celle du traitement de fond de la migraine sont efficaces :

• aténolol (grade A)

• divalproate et valproate de sodium (grade A).

• gabapentine (grade A)

• nadolol (grade A)

• naproxène sodique (grade A)

• timolol (grade A)

L’aspirine 100 mg, la fluoxétine, le cyclandélate, la dihydroergocryptine n’ont pas fait la preuve de leur efficacité dans cette indication.

Les données de la littérature ne permettent pas de conclure quant à l’efficacité de l’acupuncture, de l’homéopathie et des manipulations cervicales dans la prévention de la migraine.


Quels sont les critères de la mise en route d'un traitement de fond ?

Il est recommandé de mettre en place un traitement de fond :

• en fonction de la fréquence, de l’intensité des crises, mais aussi du handicap familial, social et professionnel généré par les crises ;

• dès que le patient consomme, depuis 3 mois, 6 à 8 prises de traitement de crise par mois et cela même en cas d’efficacité, afin d’éviter l’abus médicamenteux par une sur- utilisation d’antimigraineux de crise (non spécifiques et/ou spécifiques).

L’instauration d’un traitement de fond doit s’associer à une démarche d’éducation du patient à qui il faut expliquer que le traitement de fond ne supprime pas les crises mais réduit leur fréquence et leur intensité. La tenue d’un agenda des crises permet de mieux apprécier l’efficacité du traitement de fond.


Comment évaluer l'efficacité du traitement de fond ?

Il est recommandé, lors de la première consultation, d’interroger le patient sur son traitement habituel et sur le soulagement que lui apporte ce traitement (accord professionnel) :

• Êtes-vous soulagé de manière significative 2 heures après la prise?

• Ce médicament est-il bien toléré?

• Utilisez-vous une seule prise médicamenteuse?

• La prise de ce médicament vous permet-elle une reprise normale et rapide de vos activités sociales, familiales, professionnelles?

Si le patient répond oui aux 4 questions, il est recommandé de ne pas modifier le traitement du malade.

Si le patient répond non à au moins 1 des 4 questions, il est recommandé de prescrire sur la même ordonnance un AINS et un triptan. On expliquera au patient de commencer d’emblée par l’AINS et de garder le triptan en traitement de secours, s’il n’a pas été soulagé 2 heures après la prise de l’AINS. Si l’AINS est inefficace ou mal toléré, un triptan est prescrit d’emblée. Il existe des arguments médico-économiques en faveur de l’utilisation des triptans d’emblée chez des patients ayant des crises sévères et/ou une maladie migraineuse handicapante, mais il n’y a pas de consensus professionnel, notamment en l’absence d’échelles validées pour la pratique quotidienne.

Patients déjà traités par des traitements spécifiques

• Tartrate d’ergotamine  : Il est recommandé de ne pas modifier le traitement quand un patient est soulagé par de l’ergotamine, sans contre-indication, sans escalade de dose (accord professionnel).

• Triptans : Il existe des différences d’efficacité et de tolérance entre les différents triptans, mais ces différences sont minimes (grade B).

Un patient non répondeur à un triptan peut répondre à un autre triptan (accord professionnel). Un patient non répondeur à un triptan lors de la 1re crise peut ensuite être répondeur (grade A). Avant de conclure à l’inefficacité d’un triptan, il est recommandé de le tester sur au moins 3 crises, sauf mauvaise tolérance (accord professionnel).


Quels sont les critères d'efficacité du traitement de fond ?

Le traitement est jugé efficace lorsqu’il réduit la fréquence des crises d’au moins 50 %. Il est important de tenir compte également de la diminution de la consommation des traitements de la crise, de l’intensité et de la durée des crises. L’évaluation se fait au terme de 3 mois.