Infections urinaires chez l'adulte
Quelles sont les définitions des infections urinaires ?
L’infection urinaire aigue est l’un motif de consultation parmi les plus fréquents en médecine ambulatoire, soulevant les questions de sur-diagnostic, sur-utilisation d’antibiotiques et risque de sélection progressive de bactéries et de résistances[1,2].
La sévérité des symptômes n’a rien à voir avec la réalité de l’infection. Il est convenu de distinguer :
Les infections urinaires simples: la forme la plus commune est la cystite aigue définie comme une dysurie d’apparition soudaine, fréquente ou urgente, chez une femme non enceinte, sans anomalie connue fonctionnelle ou anatomique de l’appareil urinaire.
Elles regroupent :
- les cystites aigues simples;
- les pyélonéphrites aigues simples. Certaines pyélonéphrites simples peuvent être d’évolution sévère.
Les infections urinaires à risque de complications.: elles surviennent chez des patients ayant au moins un facteur de risque de complication pouvant rendre l’infection plus grave et nécessiter un traitement plus complexe.
- Toute anomalie organique ou fonctionnelle de l'arbre urinaire, quelle qu’elle soit (résidu vésical, reflux, lithiase, tumeur, acte récent…).
- Sexe masculin, du fait de la fréquence des anomalies anatomiques ou fonctionnelles sous-jacentes.
- Grossesse.
- Sujet âgé : patient de plus de 65 ans avec > 3 critères de fragilité (critères de Fried*),
- Patient de plus de 75 ans, rarement sans facteur de risque de complication.
- Immunodépression grave.
- Insuffisance rénale chronique sévère (clairance < 30 ml/min).
Le diabète, même insulino requérant, n’est plus considéré en soi comme un facteur de risque de complication.
Les infections urinaires graves: une infection urinaire simple peut s’accompagner d’un sepsis. Les signes de gravité sont le sepsis grave, le choc septique, l’indication d’un drainage.
Les cystites récidivantes sont définies par la survenue d’au moins 4 épisodes sur une période de 12 mois consécutifs.
Les colonisations urinaires ou bactériuries asymptomatiques correspondent à des situations de portage c’est à dire de présence de micro organismes détectés lors d’examens correctement réalisés mais sans qu’ils génèrent de manifestations cliniques [1]. Très fréquentes, leur prévalence varie selon l’âge et le sexe. Une étude a montré que cette prévalence serait fortement corrélée à l’activité sexuelle : 4,6% chez les femmes mariées et 0,7% chez les religieuses [3].
Par définition, les hommes ne peuvent pas avoir une infection urinaire simple. Toute cystite survenant chez un homme doit être considérée et traitée comme une prostatite aiguë (sauf cas exceptionnel) [1-4].
Références
[3] Collectif. Histoire naturelle des infections urinaires bactériennes. Rev Prescrire 2007 ;27(280) :118-22.
Qualité de la preuve : niveau 3.
Mots clés : infections urinaires – cystites - diagnostic [Urinary Tract infections – Cystitis - diagnosis].
Quels sont les germes les plus souvent en cause ?
Les espèces bactériennes n’interviennent pas dans la classification des infections urinaires simples ou compliquées [1].
Le plus souvent l’infection urinaire répond à un mécanisme ascendant à partir de la flore périnéale et fait suite à une colonisation de l’urètre par la flore rectale ou vaginale [1,2]. Escherichia coli est de loin le germe le plus fréquemment retrouvé, dans 70 à 95% des cas, toutes formes cliniques confondues, d’infections urinaires communautaires [1].
D’autres entérobactéries peuvent être retrouvées dans 10 à 25% des cas, en fonction du tableau clinique, particulièrement Proteus, Klebsiella, Morganella, Enterococcus et d’autres entérobactéries, de même que parfois Pseudomonas æruginosa.
Staphylococcus saprophyticus est presqu’exclusivement responsable de cystites (1 à 7% des cas) ; il peut représenter 10% des bactéries isolées dans les cystites chez la femme entre 15 et 30 ans [3].
Références :
Qualité de la preuve : niveau 1.
Mots clés : infections urinaires – bactériologie [Urinary Tract infections – bacteriology].
Comment confirmer le diagnostic d’infection urinaire ?
L’utilisation d’examens complémentaires sera directement fonction de la clinique.
Peu d’études ont comparé prospectivement en aveugle les signes cliniques évocateurs d’une infection urinaire non compliquée au Gold Standard qu’est l’examen cyto bactériologique des urines (ECBU).
Examen cytobactériologique des urines ECBU. L’ECBU sera fait avant toute antibiothérapie. Le prélèvement se fera de préférence au moins 4 heures après la miction précédente afin de permettre une stase suffisante dans la vessie.
Le prélèvement s’effectue après hygiène des mains et toilette de la région urétrale ou vulvaire, à l’aide de savon ou lingettes, suivie d’un rinçage et l’application d’un antiseptique (d’un seul geste d’avant en arrière chez la femme).
Les urines sont préférentiellement ensemencées dans les 20 minutes. Elles ne seront pas conservées plus de 2 heures à température ambiante ou au maximum 24 heures à +4° [1,2].
Le seuil de leucocyturie retenu comme pathologique est consensuel. Il est fixé à ≥ 104 /ml (ou 10 /mm3) (Grade A).
Le seuil de bactériurie associé à une leucocyturie significative tient compte de la forme clinique et de l’espèce bactérienne :
- > 103 unités formant colonies (UFC) /ml pour les cystites aiguës à E. coli et autres entérobactéries, notamment Proteus spp et Klebsiella spp, et pour S. staprophyticus ;
- >105 UFC /ml pour les cystites à autres bactéries (notamment entérocoque) ;
- > 104 UFC /ml pour les pyélonéphrites et prostatites.
Selon un groupe de microbiologistes européens [1], le tableau clinique prime en cas de discordance entre un tableau évident d’IU et une bactériurie et/ou une leucocyturie inférieure au seuil.
Le seuil ne peut être opposé à un tableau clinique évident (Accord professionnel).
Bandelettes urinaires. L’utilisation des bandelettes urinaires (BU) permet notamment la détection d’une leucocyturie (LE) et de nitrites (Ni) correspondant à des bactéries productrices de nitrate réductase (Grade A). Elle améliore nettement le score clinique si au moins 2 des 3 variables (nitrites – leucocytes – sang) sont positives avec une sensibilité et une spécificité respectivement de 75% et 66%. Lorsque les 3 variables sont négatives la valeur prédictive négative (VPN) relativement forte de 76%, ne permet pas d’exclure formellement le risque d’IU [3-6].
La principale limite de la BU est l’impossibilité de détecter d’autres bactéries que les enterobactéries ; les entérocoques et staphylocoques ne sont pas détectés.
La BU ne se substitue pas à l’ECBU lorsque l’identification des bactéries en cause et l’antibiogramme sont nécessaires [1,2].
Quelles précautions respecter pour une lecture correcte d’une BU ?
Le prélèvement s’effectue comme pour l’ECBU sur les urines du 2e jet fraîchement émises dans un récipient propre et sec mais non stérile. Il est important, dans la mesure du possible, que les urines aient stagnées pendant au moins 4 heures dans la vessie. Une toilette préalable n’est pas nécessaire (Accord professionnel).
La lecture doit se faire à température ambiante, après 1 ou 2 minutes selon les tests. L’utilisation de la bandelette suppose le respect des délais de péremption et des conditions de conservation.
Si la BU est négative le diagnostic d’IU chez la femme ne peut être exclu formellement que par un ECBU.
Chez l’homme une BU positive (Ni + et /ou LE +) ne permet pas d’affirmer le diagnostic d’infection urinaire mais elle a une excellente valeur d’orientation (Grade A).
Références :
[3] Little P and al. Validating the prediction of lower urinary tract infection in primary care. Sensibility and specificity of urinary dipsticks and clinical score in women. Br J Gen Pract. 2010 ;60 :495-500.
[4] Little P and al. Dipsticks and diagnosis algorithms in urinary tract infection. Health Technology Assessment . NIHR HTA Programme Mars 2009.
[5] McIsaac WJ and al. Validation of Decision Aid to Assist Physicians in Reducing Unnecessary Antibiotic drug Use for Acute Cystitis. Arch Intern Med. 2007 ;167 :2201-6.
[6] US Preventive Services Task Force. Screening for asymptomatic Bacteriuria in Adults. Ann Intern Med. 2008 ;149 :43-4.
Qualité de la preuve : niveau 2.
Mots clés : infections urinaires – bandelettes urinaires – analyse des urines [Urinary Tract infections –urinary dipsticks - urinalysis].