Différences entre les versions de « Trouble bipolaire »

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Quelle est la fréquence du trouble bipolaire ?

Pathologie psychiatrique chronique et récurrente, de présentation clinique et d’évolution très variables, débutant majoritairement chez l’adolescent et l’adulte jeune, le trouble bipolaire, anciennement psychose maniaco-dépressive, est l’une des pathologies psychiatriques les plus sévères.

Les troubles bipolaires concernent environ 2% de la population mondiale plus 2% présentant des formes infracliniques de la maladie.

Même traités les rechutes sont fréquentes. Dans une étude de cohorte multicentrique sur 1469 patients (STEP-BD) [1] 58% des patients récupéraient mais 49% avaient une récurrence dans un délai de 2 ans, 2 fois plus sur le mode dépressif (humeur triste, perte d’intérêt, fatigue) que sur le mode maniaque (euphorie, grandiloquence, perte de sommeil).

Après un premier épisode 90% des patients conservent des troubles dépressifs résiduels pendant au moins 1/3 de leur vie [2].

Véritable problème de santé publique, les coûts directs et induits étaient estimés en 2009 à 151 000 milliards de dollars [1].

Références :

[1] Geddes JR, Miklowitz DJ. Treatment of bipolar disorder. Lancet. 2013;381(9878). doi:10.1016/S0140-6736(13)60857-0.

[2] Perlis RH, Ostacher MJ, Patel JK, Marangell LB, Zhang H, Wisniewski SR, et al. Predictors of recurrence in bipolar disorder: primary outcomes from the Systematic Treatment Enhancement Program for Bipolar Disorder (STEP-BD). Am J Psychiatry. 2006;163(2):217‑24.

Qualité de la preuve : niveau 1

Mots clés : psychose maniacodépressive ; dépression bipolaire. [bipolar disorder ; bipolar depression]

Quelle est la différence entre dépression unipolaire et bipolaire ?

Il n’y a aucun critère spécifique permettant de faire la distinction entre dépression unipolaire et bipolaire.

La dépression bipolaire est souvent atypique et précoce (avant 25 ans) avec un début et une fin abrupts, une hypersomnie, une hyperphagie, une inhibition psychomotrice marquée associée à une irritabilité.

20 % à 50 % des patients avec un diagnostic d’épisode de dépression peuvent se révéler avoir un trouble bipolaire sur le long cours.

Le délai moyen entre le début de la maladie, un diagnostic clairement posé et l’instauration d’un traitement adapté est en moyenne de 5 à 10 ans. Avant le diagnostic une large majorité des patients disent avoir consulté au moins une fois leur médecin pour des signes annonciateurs de la maladie. Le diagnostic est souvent posé lors d'une hospitalisation [1].

Devant un épisode dépressif on doit toujours rechercher des arguments en faveur d’un trouble bipolaire [2].

Références :

[1] Perlis RH, Ostacher MJ, Patel JK, Marangell LB, Zhang H, Wisniewski SR, et al. Predictors of recurrence in bipolar disorder: primary outcomes from the Systematic Treatment Enhancement Program for Bipolar Disorder (STEP-BD). Am J Psychiatry. 2006;163(2):217‑24.

[2] HAS. Trouble bipolaire : repérage et prise en charge initiale. Pratiques. 2015.

Qualité de la preuve: Grade 1

Mots clés : psychose maniacodépressive ; dépression bipolaire [bipolar disorder ; bipolar depression]

Quelles sont les manifestations évocatrices de trouble bipolaire ?

La rupture avec le fonctionnement psychique antérieur et le caractère épisodique des troubles sont deux notions importantes [1].

La maladie se caractérise par un trouble de l’humeur, qui, en dehors des périodes de rémissions, se traduit par une alternance d’épisodes maniaques ou hypomaniaques (exaltations de l’humeur, agitation psychomotrice) et d’épisodes dépressifs [1].

Il convient d'être attentif à certains changements de comportement rompant avec le fonctionnement habituel particulièrement chez l’adolescent (repli sur soi, décrochage scolaire, conduites à risques, prise de drogues...). Le recueil d’informations auprès de la famille, des personnels de santé scolaire, est essentiel pour évaluer leur retentissement. L’anamnèse retrouve souvent des antécédents personnels hyperthymiques ou cyclothymiques et des antécédents familiaux de bipolarité [1].

Il y a très souvent une confusion entre manie et bouffée délirante. Les épisodes de manie dans le trouble bipolaire se manifestent par un état d’euphorie, une abondance de projets, des idées de grandeur, un comportement désinhibé, une agitation psychomotrice, des insomnies. Ces épisodes durent plus d’une semaine et sont une urgence psychiatrique nécessitant une hospitalisation.

Le trouble bipolaire peut prendre aussi la forme d’épisodes mixtes (coexistence de symptômes maniaques et dépressifs souvent prédominants) avec un risque suicidaire majeur. Un patient bipolaire sur deux fera au moins une tentative de suicide dans sa vie et 15 % décèderont par suicide [1,2].

Des comorbidités psychiatriques sont fréquentes : addictions, prises de substances psychoactives, troubles anxieux, conduites à risque, fugues, transgressions notamment sexuelles [2].

Il faut donc l’évoquer chez un adolescent ou un adulte jeune devant tout épisode dépressif, certaines pathologies psychiatriques (addictions, trouble des conduites, troubles anxieux), tout passage à l’acte suicidaire [1,2].

Le questionnaire « Trouble de l’humeur » (Mood Disorder Questionnaire) conçu dans le cadre du repérage en premier recours des hypomanies a une faible valeur prédictive [3].

Aucun examen biologique ou d’imagerie en l’absence de point d’appel clinique n’est, à l’heure actuelle, utile pour porter un diagnostic. Les études génétiques encore expérimentales pourraient ouvrir la voie à des améliorations majeures dans la gestion clinique des troubles bipolaires [4].

Le diagnostic est clinique. Aucun examen complémentaire n’est validé pour porter un diagnostic de trouble bipolaire.

Références :

[1] HAS. Trouble bipolaire : repérage et prise en charge initiale. Fiche mémo. Juin 2015.

[2] Perlis RH, Ostacher MJ, Patel JK, Marangell LB, Zhang H, Wisniewski SR, et al. Predictors of recurrence in bipolar disorder: primary outcomes from the Systematic Treatment Enhancement Program for Bipolar Disorder (STEP-BD). Am J Psychiatry. 2006;163(2):217‑24.

[3] Weber Rouget B, Gervasoni N, Dubuis V, Gex-Fabry M, Bondolfi G, Aubry J-M. Screening for bipolar disorders using a French version of the Mood Disorder Questionnaire (MDQ). J Affect Disord. 2005;88(1):103‑8.

[4] Craddock N, Sklar P. Genetics of bipolar disorder. Lancet. 2013;381(9878):1654‑62.

Qualité de la preuve : Grade 3

Mots clés : psychose maniacodépressive ; dépression bipolaire [bipolar disorder ; bipolar depression]

Quelles sont les répercussions du trouble bipolaire sur la qualité de vie du patient ?

La bipolarité a un retentissement lourd de conséquences sur le fonctionnement social, professionnel et familial des patients, et ce, dès lors qu’existent des symptômes thymiques, qu’ils soient dépressifs ou maniaques.

Dans l’enquête ECHO [1] sur 300 patients (âge moyen 40 ans, 67 % de femmes, 50% en couple, 74% ayant une activité professionnelle et 54% un niveau d’étude supérieure) 87% et 92% considèrent respectivement que le trouble bipolaire est une maladie grave et gâchant la vie de ceux qui en sont atteints.

Le retentissement est important sur l’estime de soi (72%), le bonheur et l’évolution professionnelle (73%), les relations avec la famille et les amis (54%), les relations sexuelles 50%), les difficultés à se projeter dans l’avenir (65%).

L’impact sur la qualité de vie est quantifié en moyenne à 6,4 sur une échelle de 10.

De manière générale les patients s’estiment victimes de la tyrannie de leur vécu émotionnel avec un sentiment d’isolement et de stigmatisation de leur maladie mentale. Les conflits conjugaux entrainent séparation ou divorce pour 4 patients sur 5 bien que les personnalités des bipolaires soient souvent généreuses, créatives, et sensibles [1].

Un repérage précoce des patients atteints de trouble bipolaire est primordial pour réduire le risque de complications, de suicide, de désinsertion socioprofessionnelle et familiale, de comportements à risque et pour soulager le vécu douloureux de son entourage.

Référence:

[1] Courtet P, Guillaume S. Enquête sur le vécu des patients bipolaires. L’Encéphale. 2011;37(4):18‑22.

Qualité de la preuve : Grade 1.

Mots clés : psychose maniacodépressive ; dépression bipolaire ; qualité de vie [bipolar disorder ; bipolar depression ; health-related quality of life].

Quel traitement du trouble bipolaire ?

Le lithium est le traitement médicamenteux de référence.

Une méta-analyse de la Cochrane a retenu 5 essais randomisés [1] comparant l’efficacité et l’acceptabilité du lithium versus placebo dans le traitement et la prévention de la rechute du trouble bipolaire. Au total 770 participants bipolaires ont été suivis sur des périodes comprises entre 11 mois et 4 ans. Les niveaux de lithiémie se situaient entre 0,5 et 1,4 mmol /litre. Le critère de jugement principal était la survenue ou pas d’une rechute maniaque ou d’une rechute dépressive. Le critère de jugement secondaire était l'acceptabilité du traitement et la survenue d'événements indésirables spécifiques.

Tous les essais ont trouvé un avantage pour le lithium par rapport au placebo : risque moyen global de rechute de 60% et 40% respectivement pour le placebo et le lithium. Le lithium était supérieur au placebo dans la prévention des épisodes maniaques avec une réduction du risque de rechute de 38 % contre 24% (RR 0,62 ; 0,43 - 0,88 ; p = 0,008).

L'effet sur la prévention des rechutes dépressives n'a cependant pas atteint un seuil statistiquement significatif, le lithium réduisant ce risque de 28% contre 32% dans le groupe placebo (RR 0,78 ; 0,60 - 1,01 ; p = 0,06).

Une méta-analyse de 48 essais contrôlés randomisés incluant 6674 patients a conclu que le lithium versus placebo réduisait le nombre de suicides de plus de 50 % (RR 0,13 ; 0,03 - 0,66) [2].

Les effets indésirables sont plus fréquents avec le lithium : somnolence, nausées, diarrhée et prise de poids.

Le lithium reste clairement le traitement de référence qui possède les meilleurs niveaux de preuves d’efficacité pour limiter le risque de déstabilisation et donc du risque de virage maniaque ou dépressif.

Références : [1] Geddes JR, Burgess, Hawton K, Jamison K, Goodwin GM. Long-term lithium therapy for bipolar disorder: systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Am J Psychiatry.2004; 161:217–22.

[2] Cipriani, A, Hawton, Stockton S, Geddes JR. Lithium in the prevention of suicide in mood disorders: updated systematic review and meta-analysis. BMJ. 2013; 346: f3646.

Qualité de la preuve : Grade 1

Mots clés : psychose maniacodépressive ; dépression bipolaire ; thérapie médicamenteuse ; lithium [bipolar disorder ; bipolar depression ; therapy, drug ; lithium]

Quelle surveillance nécessite un traitement au lithium ?

Un traitement par lithium nécessite une surveillance régulière à vie.

Le lithium entraine un risque accru de maladie rénale chronique (RR 1,93 ; 1,76 - 2,12), d’hypothyroïdie (RR 2,31 ; 2,05 - 2,60), et d'hyperparathyroïdie (RR 1,43 ; 1,21-1,69) d’où l’importance d’un bilan pré-thérapeutique et d’une surveillance clinique et biologique régulière (fonction thyroïdienne, rénale, et calcémie) toute la vie pour adapter les posologies, l’index thérapeutique du lithium étant faible.

Le risque de malformation congénitale essentiellement cardiaque chez les bébés nés de mères qui ont pris du lithium pendant la grossesse est incertain.

Des signes de surdosage (céphalées, troubles de l'équilibre, tremblement ample, soif, asthénie intense, dysarthrie et syndrome confusionnel) nécessitent une consultation en urgence.

Références:

[1] Geddes JR, Burgess, Hawton K, Jamison K, Goodwin GM. Long-term lithium therapy for bipolar disorder: systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Am J Psychiatry.2004; 161:217–22.

[2] Cipriani, A, Hawton, Stockton S, Geddes JR. Lithium in the prevention of suicide in mood disorders: updated systematic review and meta-analysis. BMJ. 2013; 346: f3646.

Qualité de la preuve : Grade 1

Mots clés : psychose maniacodépressive ; dépression bipolaire ; lithium ; surveillance de traitement médicamenteux bipolar disorder ; bipolar depression ; lithium ; monitoring, therapeutic drug].

Quelles sont les alternatives au lithium ?

L’efficacité des traitements alternatifs est controversée.

Les études ont montré des différences importantes pour l’efficacité et la tolérance des antipsychotiques de deuxième génération, des anticonvulsivants et des antidépresseurs utilisés seuls ou en association avec le lithium.

Une méta-analyse a comparé l’efficacité du lithium avec 12 médicaments antipsychotiques ou anticonvulsivants dans 68 essais contrôlés randomisés incluant 16 073 patients dans le traitement des phases maniaques, phases dépressives ou mixtes du trouble bipolaire [1].

Antipsychotiques de 2e génération, sous-classe de neuroleptiques dits « atypiques »

En phase maniaque aigue l’Olanzapine ® (RR 0,43 ; 0,54 - 0,32), la Rispéridone ® (RR 0,50 ; 0,63 - 0,38), et l'Halopéridol ® (RR 0,56 ; - 0,69 - 0 43) ont un meilleur rapport efficacité / tolérance à court terme face au lithium (RR 0,37 ; 0,63 - 0,11) mais ils sont d’efficacité variable avec beaucoup d'incertitudes sur les bénéfices à long terme, le lithium apportant de meilleures preuves d’efficacité dans ce cas.

Les effets secondaires sont métaboliques (diabète, prise de poids, dyslipidémie) ; les effets extrapyramidaux (tremblements, rigidité) sont plus rares qu'avec les antipsychotiques classiques. 

Dans le traitement de la dépression bipolaire seule la Quétiapine ® a montré un intérêt comparable au lithium (RR 0,37 ; 0,51 - 0 23).

Anticonvulsivants

Comparés au lithium leurs preuves d’efficacité sont moins nettes mais ils ont une marge thérapeutique plus large et une absence de toxicité rénale. Leurs effets indésirables sont la sédation, et de rares cas d'hépatite aiguë.

Pour les femmes en âge de procréer ils présentent un risque élevé de malformations (10 % des cas) : anomalies de fermeture du tube neural, dysmorphie faciale, fente labiale, malformations cardiaques et un risque de graves troubles du développement (30 à 40 %) chez les enfants exposés in utero, Leur usage si aucune autre alternative n’est possible nécessite une contraception efficace impérative pendant le traitement.

Le Valproate (RR 0,20 ; 0,37 - 0,04) : Malgré l'augmentation spectaculaire de son utilisation dans les deux dernières décennies aucune étude n’a apporté de preuve de supériorité versus lithium dans la prévention à long terme.

La Carbamazépine est utilisable dans le traitement de l'épisode maniaque et la prévention des rechutes thymiques. (RR 0,36 ; 0,60 - 0,11). Son utilisation est contre-indiquée en cas de bloc auriculo-ventriculaire, glaucome, adénome et insuffisance hépatique sévère. Elle doit être arrêtée immédiatement en cas d'éruption cutanée (risque de nécrolyse épidermique toxique).

La Lamotrigine est indiquée dans la prévention des épisodes dépressifs bipolaires (RR 0,48 ; 0,77 - 0 19). Ses avantages sont une bonne tolérance générale, l'absence d'induction enzymatique et de risque tératogène. L’arrêt du traitement est impératif en cas d'éruption cutanée (risque de nécrolyse épidermique).

Antidépresseurs

Une étude rétrospective du BMJ en 2015 [10] a inclut 21 012 patients suivis pour dépression pendant 4,3 ans sans diagnostic antérieur de manie ou de trouble bipolaire et traités par tous types d’antidépresseurs. 994 patients ont présenté un état maniaque révélant un trouble bipolaire au cours de la période de suivi. Toutes les classes d’antidépresseurs (RR> 1,0) étaient associés à ce risque.

D’autres études vont dans le même sens démontrant que les antidépresseurs, dont l’usage est encore répandu dans le trouble bipolaire, peuvent être inducteurs d’épisodes maniaques ou hypomaniaques pouvant aggraver le pronostic

Le traitement de la dépression bipolaire reste un défi majeur sans traitement médicamenteux d'efficacité prouvée supérieure au lithium [2].

Références:

[1] Cipriani A, Barbui C, Salanti G, Rendell J, Brown R, Stockton S et al . Comparative efficacy and acceptability of antimanic drugs in acute mania: a multiple-treatments meta-analysis. Lancet 2011; 378: 1306–15.

[2] Geddes JR, Miklowitz DJ. Treatment of bipolar disorder. Lancet. 2013;381(9878). doi:10.1016/S0140-6736(13)60857-0.

Qualité de la preuve : grade 3

Mots clés : psychose maniacodépressive ; dépression bipolaire ; agents antipsychotiques ; agents anticonvulsivants ; agents antidépresseurs [bipolar disorder ; bipolar depression ; agents antipsychotic ; anticonvulsive agents ; agents, antidepressive].