Différences entre les versions de « Tuberculose pulmonaire »
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Version du 28 avril 2016 à 13:30
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Quelle est l’importance du risque de tuberculose en France?
La tuberculose restait en 2013 la 2e cause de mortalité par maladie infectieuse après le VIH avec 9 millions de nouveaux cas mondiaux et 1,5 millions de décès [1].
En France l’INVS [2] croisant les différentes données (déclarations obligatoires, relevés de l’assurance maladie, INSERM) dénombrait, en 2012, 4975 cas de tuberculose, dont 186 dans les DOM, soit une incidence de 7,6 cas / 100 000 habitants. L’Île de France, Mayotte et la Guyane restaient les trois zones géographiques à plus fort taux de déclaration avec respectivement pour 100 000 habitants 14,7, 16,9 et 24, 2 cas. 1747 cas ont été déclarés en Île de France représentant 35% des cas de tuberculose maladie déclarés en France. Dans toutes les autres régions le nombre de cas était inférieur à 10 pour 100 000 avec un minimum de 3,4 en Poitou Charente [2,3].
Le nombre de cas était plus élevé chez les hommes (59%) que chez les femmes, sauf chez les moins de 15 ans. L’âge médian était de 42 ans.
Parmi les cas nés en France 25% étaient de jeunes adultes (25 – 44 ans) et 40% des personnes de plus de 60 ans. Pour les cas nés à l’étranger ces proportions étaient respectivement de 50 et 20 %.
Chez les enfants l’incidence était faible: 3% < 4 ans et 1% entre 5 et 14 ans. Selon qu’ils étaient nés en France ou à l’étranger l’incidence était respectivement de 1,6 et 13,6 cas / 100 000 habitants.
Les données épidémiologiques montrent que, malgré́ une incidence nationale faible et régulièrement en baisse depuis plusieurs décennies, la tuberculose n’est pas encore maitrisée partout en France avec de fortes disparités entre les régions et des groupes spécifiques de population.
Références:
[1] OMS. Tuberculose. Aide mémoire n° 104. Mars 2015.
[3] Ministère de la santé. Programme de lutte contre la tuberculose en France 2007-2009.
Qualité de la preuve : Niveau 1.
Mots clés : Tuberculose – épidémiologie [tuberculosis – epidemiology].
Quelles sont les situations les plus à risques ?
Toutes origines confondues, la tuberculose touche essentiellement de jeunes adultes dans la période où ils sont les plus productifs. Mais tous les groupes doivent être considérés à risque. Plus de 95% des cas et des décès concernent les pays en voie de développement [1].
Compte tenu de l’épidémiologie les populations les plus à risque sont [1,2]:
- Les personnes ayant été en contact récent avec un cas contagieux, plus particulièrement si elles vivent sous le même toit.
- Celles vivant ou ayant récemment vécu en zone de forte endémie. Chez les migrants l’incidence dépassait en 2008 en moyenne 40 cas / 100 000 personnes, avec de fortes disparités selon le pays d’origine, de 18 pour l’Europe centrale et de l’Est à 103 pour l’Afrique subsaharienne., et avec une forte prédominance chez les 15-39 ans. L’incidence décroît après 2 ans de séjour en France [2].
- Celles vivant dans des conditions précaires : SDF, milieu pénitencier, foyers d’hébergement collectif.
- Les personnes infectées par le VIH ont 26 à 31 fois plus de risque de développer une tuberculose.
- Le risque est également plus grand chez les personnes présentant d’autres causes de déficit immunitaire.
- Le tabagisme accroît fortement le risque de tuberculose (plus de 20% des cas de tuberculose dans le monde) [1].
Même si les données épidémiologiques montrent une tendance à la baisse régulière du nombre de cas déclarés, la tuberculose n’est pas encore maîtrisée en France. Certaines situations présentent un risque plus particulièrement élevé : sujets contacts de cas contagieux, migrants, immunodépression, précarité et vie en collectivités.
Références:
[1] OMS. Tuberculose. Aide mémoire n° 104. Mars 2015.
Qualité de la preuve: niveau 1
Mots clés: Tuberculose – facteurs de risque [tuberculosis – risk factors].
Faut-il dépister les infections tuberculeuses latentes (ITL)?
Les infections tuberculeuses latentes (ITL) représentent une grande majorité des sujets infectés. 10% risquent de développer une tuberculose active au cours de leur vie, la moitié au cours de la 1ère année après le contage, 25% la 2e année [1].
L’ITL se définit comme une réponse immunitaire persistante aux antigènes de Mycobactérium Tuberculosis acquis antérieurement, sans signes cliniques manifestes de tuberculose active, et avec une image radiologique normale.
Doivent être considérées comme plus à risque d’évolution d’une ITL vers une tuberculose maladie des groupes de patients parmi lesquels la prévalence de l’ITL est plus importante que dans la population générale : patients dénutris, immunodéprimés (HIV, cancers, dialyse ou attente de greffe d’organe, traitements immunosuppresseurs), ayant des antécédents de chirurgie gastro-intestinale, ou atteints de silicose (Recommandation forte) [1,2].
Une ITL sera recherchée systématiquement chez les contacts adultes et juvéno-infantiles de cas de tuberculose pulmonaire, les migrants en provenance de pays à forte prévalence de tuberculose et ayant des antécédents récents (<2ans) de tuberculose non ou insuffisamment traitée, les détenus, les sans abris et les usagers de drogues illicites, les personnels soignants [1,3].
Un dépistage systématique n’est pas recommandé chez les diabétiques, les fumeurs, les buveurs excessifs ou présentant une insuffisance pondérale pour autant qu’ils n’appartiennent pas aux populations ci-dessus identifiées (Recommandation conditionnelle ; éléments de preuve de très faible qualité) [1].
Références:
Qualité de la preuve : niveau 1 et 4
Mots clés: Infection tuberculeuse latente (ITL) – Dépistage [Latent tuberculosis infection (LTBI) – Screening].
Quels sont les tests disponibles pour le dépistage de la tuberculose ?
L’intradermo réaction à la tuberculine
L’intradermo réaction (Tubertest®) ou test de Mantoux explore l’hypersensibilité de type retardée induite par l’injection de composants antigéniques de Mycobactérium tuberculosis (MT).
La tuberculine, obtenue à partir de cultures de MT inactivées, contient plus de 200 antigènes partagés entre M. tuberculosis, M bovis, le BCG et certaines mycobactéries environnementales. Elle est injectée sous le derme et provoque l’afflux local de cellules de l’immunité innée, provoquant un rappel cellulaire en chaîne si le sujet a déjà été en contact avec l’allergène. L'induration cutanée reflète directement l'infiltrat cellulaire au site de l'injection [1].
Pour être valide elle nécessite une technique parfaite:
- injection strictement intradermique et exsangue à la face antérieure de l’avant-bras de 0,1 ml de la solution tuberculinique correspondant à 5 unités internationales de tuberculine à l’aide d’une seringue de 1 ml graduée au centième de ml et munie d’une aiguille de 0,4 à 0,5 mm de diamètre et de 10 mm de long, spéciale pour injections intradermiques, c’est-à-dire à biseau court [2].
- lecture à la 72ème heure par la mesure du diamètre de l’induration.
L’interprétation est fonction de l’état vaccinal, de l’exposition du sujet à la tuberculose et du terrain immunocompétent ou immunodéprimé. La réaction doit être mesurée en mm (uniquement l’induration, surtout pas la rougeur), et idéalement avec une réglette circulaire adaptée.
Le seuil de positivité de l’IDR chez le sujet immunocompétent a été défini dans les recommandations en fonction des antécédents de vaccination par le BCG, l’ancienneté de cette vaccination ainsi que la proximité avec un cas index [3] :
- ≥ 5 mm en l’absence de vaccination BCG ;
- ≥ 10 mm si BCG > 10 ans ;
- ≥ 15 mm si BCG < 10 ans.
En cas d’immunodépression, l’IDR peut être faussement négative ; le seuil est de 5 mm pour ne pas prendre le risque de passer à côté d’une infection.
Une augmentation du diamètre de l’induration ≥ 10 mm entre deux IDR à 2 mois d’intervalle signifie un virage tuberculinique.
La sensibilité en cas de tuberculose maladie, faute de gold standard pour la définition de l’infection tuberculeuse latente, est d’environ 70% chez l’adulte (49-90%), 55 à 85% chez l’enfant. Les faux négatifs sont fréquents chez les sujets immunodéprimés, aux âges extrêmes de la vie et au cours des tuberculoses sévères évoluées. La spécificité varie entre 40 et 90% selon les pratiques vaccinales et la prévalence des infections mycobactériennes non tuberculeuses (réactions croisées) [1].
L’IDR est un outil imparfait par le manque de standardisation des modes de production de la tuberculine et par le fait que sa réalisation et son interprétation sont très dépendantes de l’opérateur. Une IDR négative n’élimine jamais formellement une tuberculose [1].
Qualité de la preuve : niveau 3
Mots clés : tuberculose ; tests diagnostics courants ; tests intra dermiques [tuberculosis ; diagnostic tests, routine ; intra dermal tests].
Références :
[3] INPES. Dépistage et diagnostic précoce. La Tuberculose. Etat des connaissances 2009.
Tests de libération de l'interféron gamma (Interferon Gamma Release Assay (IGRA)
Les tests IGRA (QFT TB gold IT® et Tspot TB®) basés sur la détection d’interféron 𝛾 reproduisent in vitro et de façon standardisée la stimulation des cellules T sanguines par des antigènes de deux protéines de virulence immuno-dominantes, que ne partagent ni le BCG ni les mycobactéries atypiques.
La production d’interféron 𝛾 est mesurée le lendemain. Le Quantiféron® est réalisé sur sang total, le T-spot TB® sur cellules mononucléées isolées et ajustées à concentration précise [1].
Un test positif traduit une tuberculose maladie ou une infection tuberculeuse latente sans pouvoir faire la différence entre les deux, ni définir l’ancienneté de l’infection ou le risque d’évoluer vers une tuberculose maladie.
Il y a peu de faux positifs (quelques mycobactéries environnementales), quelques faux négatifs difficiles à identifier, et des tests ininterprétables (sujets immunodéprimés, âge <2ans ou >90 ans), ce qui limite la sensibilité du test (entre 80 et 88% chez un sujet immunocompétent).
La spécificité est comprise entre 88 et 99% et de fait un test négatif ne peut exclure formellement tout risque d’infection. Cependant la valeur prédictive négative (VPN) d’évolutivité vers une tuberculose active dans les 2 ans est de 97 à 99% en zone de faible endémie [1].
Les tests IGRA, non remboursés par l’assurance maladie, ont l’avantage d’éviter les aléas de réalisation et de lecture de l’IDR, et de permettre par ailleurs de faire la différence entre infection par Mycobacterium tuberculosis et la réaction induite par la vaccination par le BCG. Il n’y a pas d’impact de la vaccination par leBCG sur le résultat du test.
Référence :
Qualité de la preuve : niveau 3
Mots clés : tuberculose ; tests de libération d'interféron-gamma [tuberculosis ; interferon-gamma release tests].
Quelle validité des différents tests pour évaluer le risque de développement d’une tuberculose maladie ?
Le choix entre test IGRA ou test cutané (IDR) dépend du niveau de risque et de l’âge du patient.
Dans une méta analyse de 28 études comparant les valeurs prédictives positives (VPP) et négatives (VPN) des tests IGRA et de l’IDR chez des patients non précédemment traités [1] , après mise en commun des données, les VPP de progression vers une tuberculose maladie (TM) étaient significativement plus élevées pour les IGRA comparativement à l’IDR, respectivement 2,7% (2,3 - 3,2) et 1,5% (1,2 – 1,7) (p < 0,0001).
La VPP augmente de 6, 8% (5,6 – 8, 3) et 2,4% (1,9 – 2,9) respectivement pour les tests IGRA et IDR dans les groupes considérés à haut risque. Parallèlement la VPN de progression vers la TM était très élevée aussi bien pour les IGRA (99,7% ; 9,5 – 99,8) et IDR (99,4% ; 99,2 – 99,5) bien que légèrement supérieure de façon non signficative pour les IGRA (p < 0,01).
L’intérêt des tests IGRA est ainsi principalement supérieur chez les sujets à haut risque de développer une TM.
Le test IGRA est ininterprétable chez les enfants ≤ 2 ans, les personnes âgées ≥ 80 ans et les sujets immunodéprimés [2].
Malgré l’arrivée de nouveaux tests il n’existe pas encore « de gold standard » pour le diagnostic d’une tuberculose latente [3]. Il est nécessaire de prendre en compte le contexte épidémiologique et les comorbidités avant de prendre une décision thérapeutique.
[3] NICE guideline. Tuberculosis 2016.
Qualité de la preuve : niveau 3
Mots clés : tuberculose ; tests diagnostics courants ; tests intra dermiques ; tests de libération d'interféron-gamma [tuberculosis ; diagnostic tests, routine ; intra dermal tests ; interferon-gamma release tests].
Quelle balance bénéfice/risque des différents schémas thérapeutiques d’une ITL ?
L’observance d’un traitement pour une infection latente non symptomatique est conditionnée par sa durée qui sera la plus courte possible fonction des risques d’effets délétères et de l’importance des facteurs de risque de développer une tuberculose maladie (TM) .
Dans une méta analyse de 53 études [1] ayant évalué, après exclusion d’une TM active, l’efficacité des différents schémas thérapeutiques des ITL et leurs effets indésirables, comparativement au placebo le risque d’apparition d’une tuberculose incidente était, selon la durée du traitement, avec des niveaux de preuve faibles :
- 0,61 (IC 0,48-0,77) avec isoniazide (INH) x 6 mois ;
- 0,53 (0,41-0,69) pour 12 mois ou plus ;
- 0,48 (0,26-0,87) avec la rifampicine (RMP) x 3 à 4 mois ;
- 0,52 (0,33-0,84) avec RMP + INH x 3 à 4 mois.
Le risque d’hépatoxicité de l’INH vs placebo était de 0,99 (0,42-2,32), accru après 35 ans, en cas de pathologie hépatique antérieure, d’infection VIH et de grossesse.
Comparativement à 6 mois d’INH le risque était de:
- 0,03 (0,00-0,48) avec 3 à 4 mois de RMP seule ;
- 0,89 (0,52-1,55) avec l’association RMP + INH.
D’une façon globale, compte tenu des faibles niveaux de preuve, ces comparaisons n’ont pas permis de mettre en évidence la supériorité d’un traitement par rapport aux autres [2].
De nouveaux protocoles de prise bihebdomadaire sous surveillance directe de la prise sont susceptibles d’améliorer le suivi, mais des études complémentaires sont nécessaires [3].
Dans ses dernières recommandations, l’OMS considère qu’une association de RMP + INH x 3 mois ou que 4 mois de RMP seule se sont avérées aussi efficaces que 6 à 12 mois d’INH seul [2].
Références :
Qualité de la preuve : niveau 3
Mots clés : tuberculose ; protocole thérapeutique [tuberculosis ; treatment protocols].
Quel est le risque chez les professionnels de santé ?
Les personnels de santé ont un risque de morbidité tuberculeuse deux à trois fois plus important que la population courante de même classe d’âge née en France.
Il existe peu de données concernant les professionnels de santé chez qui il existe un risque accru de tuberculose, très variable selon les études [1]. En 2008, 108 cas de tuberculose étaient déclarés chez des personnes travaillant dans un établissement de santé et 83 chez des personnes travaillant au contact d’enfants de moins de 15 ans [2]. Par recoupement des données entre les fiches de déclaration obligatoire, les déclarations de maladie professionnelle et les données de la CNAMTs on peut estimer l’incidence moyenne de la tuberculose maladie chez les professionnels de santé entre 12 et 15 cas / 100 000 patients.
Concernant les infirmières de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, les données relevant du régime des maladies professionnelles sur des effectifs bien définis sont plus précises. L’incidence moyenne entre 2004 et 2008 est estimée à 17, 3 cas / 100 000, trois fois plus élevée que dans la population courant de même classe d’âge [1].
Le facteur de risque principal est la fréquence élevée des contacts avec des patients tuberculeux. Plusieurs études démontré l’importance de l’application des mesures de contrôle de la transmission nosocomiale pour diminuer de façon importante le sur-risque de tuberculose de ces personnels[3,4].
Références:
Qualité de la preuve: niveau 1
Mots clés: Tuberculose – facteurs de risque – professionnel de santé [tuberculosis – risk factors – health professional].